Antoine a 12 ans. Il est autiste, TED (Trouble Envahissant du Développement) ou TSA (Troubles du Spectre Autistique) comme vous préférez.
Antoine, partout où nous allions, a toujours ému et étonné les gens. Aussi bien les professionnels de la santé que les professionnels de l'éducation national. Personne n'avait été confronté à un enfant autiste. Nous pensions que c'était dû à un manque de formation de tous ces professionnels.
Mais, en fait, nous n'avions pas imaginé la réalité. Lorsque nous avons eu la révélation de cette réalité, nous avons été très, très, choqués, éberlués même. Nous n'avons pas pu y croire immédiatement. Mais, il a fallu admettre la réalité : Antoine est le seul et unique adolescent autiste du Haut-Doubs ! Il est le 1er adolescent autiste du Haut-Doubs. Nous avons hésité entre le sentiment de fierté (d'être les parents du 1er adolescent autiste du Haut-Doubs) et le sentiment de panique.
Il y en aura bientôt d'autres : les enfants autistes actuellement en UE TED (Unité d'Enseignement pour Troubles Envahissant du Développement) avec Antoine deviendront adolescents dans quelques temps.
Mais pour l'instant, Antoine est le 1er adolescent autiste du Haut-Doubs. Ceci nous a été confirmé par les services sociaux locaux.
Ayant beaucoup de mal à y croire, nous avons voulu rechercher des adolescents autistes dans le secteur. Les services sociaux nous ont dit " Ne cherchez pas de problème là où il n'y en a pas". Ceci nous a conforté dans l'idée de rechercher les adolescents autistes dans le Haut-Doubs. Nous avons donc fait des affiches, mis sur Facebook, Twitter et Internet des annonces recherchant des adolescents autistes. Mais ... rien, aucune nouvelle, aucun adolescent autiste, adolescent TED ou adolescent TSA !!
Statistiquement ce n'est pas possible : Antoine ne peut pas réellement être le 1er adolescent autiste du Haut- Doubs. Le CESE "estime que le nombre d’enfants autistes de moins de 20 ans est situé entre 90 000 à 110 000 individus ".
En Fait, les services sociaux les connaissent très bien. Ils sont placés dans des instituts médicaux éducatifs (IME) pour déficience intellectuelle ou enfermés dans les hôpitaux psychiatriques. Et pour des raisons financières, historiques et par habitude, les services sociaux ne veulent pas les sortir de ces IME ou des hôpitaux psychiatriques. Les services sociaux ont leur habitude, leur façon de faire et restent encrer dans le handicap.
Ils traitent les enfants autistes comme des enfants déficients intellectuels. Comme les services sociaux locaux nous ont expliqués : les enfants autistes prennent, petit à petit, les places des enfants trisomiques et déficients intellectuels dont le nombre diminue en raison des diagnostiques prénataux. La prévalence à la naissance d'enfants trisomiques a diminué, passant de 14/10000 en 1978 à 5,1/10000 en 2005 (Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, Volume 39, n° 4, pages 290-296 (juin 2010)).
Les services sociaux, malgré des formations à l'autisme, restent encrer dans le handicap mental : ils n'arrivent pas à comprendre que les enfants autistes ne sont pas (sauf quelques cas) des déficients intellectuels. Certes, ce n'est facile d'enseigner à des enfants autistes mais c'est possible. Le personnel éducatif doit changer sa mentalité et ne plus penser "déficient intellectuel" mais "intelligence différente et sans limite". Mon fils, suivi depuis 3 ans par la même équipe, a refait le programme de CE2 pour la 3eme fois! Alors qu'une éducatrice, la 1er année de son suivi, l'accompagnait en CM2, pour certaines matières, à l'école du village. Alors que la psychologue et moi-même avons expliqué qu'il avait un niveau supérieur (école à la maison). Mais rien n'y fait.
Les services sociaux n'arrivent pas à s'ouvrir au monde : toutes les activités proposées par l'Unité d'Enseignement (UE) de mon fils sont au sein du milieu handicapé : ski sur fauteuil, sport avec des enfants handicapés (tous handicaps confondus), ...
Tous ces enfants n'ont pas le droit de voir autre chose que le handicap ! De sortir de ce milieu qui les limite. Au lieu de les pousser, de leur montrer qu'il y a un autre monde où beaucoup de choses sont possible.
La réflexion des services sociaux devient même absurde : un enfant doit connaitre le "métier d'élève" plutôt que d'avoir un niveau scolaire équivalent à ses pairs. Mon fils apprend, au sein de son UE, le "métier d'élève" c'est-à-dire qu'il doit rester sage en classe, lever la main pour répondre à une question, ne pas bouger de sa chaise, rester silencieux. Le résultat est qu'il va aller au collège avec un niveau CE2. Il connait son métier d'élève mais n'aura pas le niveau scolaire de ses pairs ! Il faut savoir que l'éducation nationale admet des élèves calmes et respectueux mais nuls scolairement et refuse de bons élèves mais ayant un comportement différent.
Mon fils ira donc au collège mais dans une classe spécialisée : ULIS. Cette classe est composée de 10 collégiens (tous niveaux confondus), d'un professeur et une auxiliaire. Les collégiens de cette classe peuvent faire des inclusions dans des classes normales. Mais en aucun cas ne pourront réintégrer une classe normale en continu, ne pourront passer le brevet des collèges car ils sont handicapés. Rien n'est fait pour que ces collégiens progressent, ils sont enfermés dans le handicap par les encadrants. Leur avenir est d'ailleurs tout tracé : Certificat de Formation Générale (1er diplôme français) et ensuite direction les IMPro (Institut Médico Professionnel).
J'ai beaucoup de mal à comprendre cette façon de faire : cloisonner les handicapés, les enfermer dans un monde exclu du vrai monde, refuser les inclusions dans les classes normales. Le handicap n'est pourtant pas contagieux. Pourquoi les services sociaux veulent "garder" leurs handicapés dans un monde de handicap? Pourquoi les services sociaux refusent l'ouverture et les aides extérieures de professionnels (psychologues privés connaissant les enfants depuis 6 ans, orthophonistes privés, ...)? Pourquoi les services sociaux refusent d'écouter les parents de ces enfants autistes? Pourquoi les services sociaux refusent de bouger, de changer et d'appliquer les nouvelles méthodes comportementales recommandées par la HAS (Haute Autorité de la Santé)? Pourquoi les services sociaux "cachent" les adolescents autistes ?
L'ARS (Agence Régionale de Santé), la MDPH (Maison Médicale des Personnes Handicapés) et l'éducation national sont prêts à aider les adolescents autistes du Haut-Doubs mais pour cela il en faut plus qu'un (mon fils). Je me suis battue, avec d'autres mamans, pour la création de l'UE. Il faut recommencer pour la suite de l'UE mais le problème est qu'Antoine est le 1er à sortir de l'UE et le seul adolescent autiste du Haut-Doubs!! Rien ne sera créer pour un seul adolescent autiste, il devra se contenter de ce qui existe c'est-à-dire pas grand chose.
Les services sociaux sont en train de gâcher l'avenir de mon fils et de nombreux autres adolescents du Haut-Doubs pour leur propre petit confort : c'est toujours plus facile de ne rien faire que de révolutionner le système absurde actuel de la gestion de l'autisme !
Anne-Claire Ratajczak, maman d'Antoine autiste de 12 ans, et présidente de Autisme s'en sortir
Web : www.autismesensortir.org
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Twitter : @utismesensortir